Mardi 31 mars 2020 – Jour 15
J’ai abordé la problématique des anciens face au Covid-19, comorbidité souvent importante, fragilité et vulnérabilité due au vieillissement, isolement ou encore solitude. De l’autre côté, il y a les jeunes, les enfants, les ados et les jeunes adultes. On a pu voir qu’au début de l’épidémie, de nombreuses informations indiquaient que les jeunes étaient quasi à l’abri du virus et que s’il l’attrapaient, la plupart étaient des porteurs sains ou avec des symptômes très légers. J’imagine qu’il n’est pas simple de devoir expliquer à un enfant qu’il ne peut plus jouer avec ses petits camarades à cause des risques de transmission/propagagtion, surtout si le risque de tomber malade est proche de zéro, avec évidemment des exceptions qui comme pour le reste de la population sont liées à des facteurs aggravants. Avec les ados et les jeunes adultes, ça devrait être plus simple, mais pas vraiment. Je me disais ce matin que je vivais cette épidémie et le confinement au filtre de mon expérience de vie et de mon bon demi-siècle d’existence. Donc selon un principe de précaution élémentaire pour éviter d’attraper le Covid-19 et surtout éviter de le transmettre plus loin en cas de contamination. Je reconnais aussi que je fais partie de celles et ceux qui se sont énervés (et s’énervent encore) quand on voit l’insouciance ou l’égoïsme de certains, et oui, des jeunes en particulier.
Puis j’ai rembobiné un peu et je me suis revu à 18-20 ans. Et là, tout change, en particulier le rapport qu’on entretient à la mort et surtout à sa propre mortalité. En clair, à 18, 20 ou 25 ans, en bonne santé, en pleine forme et un vaste avenir devant soi, on est tout simplement immortel ! Enfin, on sait bien qu’on ne l’est pas, mais on vit et on fonctionne comme si c’était le cas. C’est en prenant de la bouteille qu’on commence à percevoir les choses différemment et qu’on prend de plus en plus conscience de la préciosité de la vie, de son caractère unique et surtout très éphémère. Le danger est une abstraction pour un jeune qui se découvre et cherche des sensations fortes. En revanche, passé le demi-siècle, avec quelques petits soucis de santé dûs à l’âge qui s’installe gentiment, on prend moins de risques, on commence, mais pas toujours, à écouter les conseils de son toubib et plutôt que d’aller en Syrie pour faire des images de la guerre, on préfère aller se prélasser quinze jours sur une plage brésilienne. Enfin, actuellement, ce serait plutôt quinze jours dans son salon.
Les geeks ne seront sans doute pas d’accord, mais à 20 ans, on ne tient pas en place, il faut sortir, bouger, voir les potes, s’amuser, faire du sport, passer du temps avec son petit copain ou sa petite amie, sortir en boîte, bref, vivre ! Alors qu’on a toute la vie devant soit, on avance souvent avec la frustration de ne pas trouver assez de temps pour faire tout ce qu’on voudrait. Entre 20 et 30 ans, je rêvais de journées de 72 heures et si je les avais eues, j’en aurais demandé le double. Donc, resté confiné à cause d’une nanobêbête qui ne s’attaque a priori qu’aux vieux et aux déjà malades, laissez-moi rire ! Dans les années 80, on aurait probablement mis sur pied des soirées Covid en proposant des breuvages exotiques aux couleurs fluo tout en dansant à poil autour d’un feu géant en écoutant « Highway to Hell » et « Stairway to Heaven » à coin. Les contrôles de police ? Tiens, fume c’est du belge ! Immortels, je vous dis ! Et oui, ç’aurait été totalement stupide, inepte et inconscient, pour ne pas dire irresponsable.
C’est pourtant ce que font les jeunes ces temps. Sachant que le confinement allait être effectif, ils ont organisé des super bastringues où on le sait, on ne boit pas que du lait, on ne fume pas que du tabac et on ne prend pas que de l’aspirine. On se désinhibe et c’est parti pour les bêtises, pour rester poli. Faire la fête, réflexe normal que chacun a face à un changement important. Les enterrements de vie de garçon et de jeune fille, les fêtes avant de partir à la guerre ou d’aller s’installer à l’autre bout du monde sont des choses normales, humaines et socialement nécessaires. Sauf que là, les choses ont vraiment changé et je doute qu’on retrouve nos petites habitudes quand la situation d’urgence aura disparu. Plus la pandémie durera, plus ces changements seront profonds. Relations humaines, voyages, loisirs, travail, santé, consommation, pas mal de choses devraient être durablement modifiées à l’avenir. Le Covid risque de changer nos vies comme le sida a bouleversé notre sexualité il y a bientôt 40 ans.
Seulement voilà, chers « immortels », il est temps de siffler la fin de la récréation. Parce que finalement, même si vous êtes bien moins vulnérables au virus que vos ainés, eh bien le Covid-19 commence également à faire des dégâts dans votre tranche d’âge et certains d’entre-vous l’ont déjà payé du prix ultime, leur vie. Les plus chanceux s’en sortiront sans séquelles quand d’autres traineront problèmes respiratoires et insuffisance pulmonaire pour le reste de leur vie. Un jeune Californien est mort à 19 ans parce qu’il n’avait pas d’assurance, d’autres sont décédés ou sont en train de mourir à l’hôpital à cause du virus parce qu’ils se sont vraisemblablement contaminés lors de grandes fêtes, avant et depuis le début du confinement. La plupart ne présentaient pourtant aucun signe de comorbidité. Je n’ai pas de leçons à vous donner, mais le Covid finira par passer, donc soyez prudents, soyez patients et respectez les consignes. Si vous ne le faites pas pour vous, pensez un instant à celles et ceux que votre comportement risque de mettre en grand danger. Notre liberté s’arrête là où commence celle des autres.
Et ce sera tout pour aujourd’hui, à demain.
Un éclat de rire pour terminer ce billet

Lundi 30 mars 2020 – Jour 14
Au moment où nous bouclons notre seconde semaine de confinement, j’ai une pensée pour toutes celles et tous ceux qui depuis plusieurs semaines, et pas seulement depuis le début des mesures strictes de confinement, sont au front de l’épidémie et n’ont plus une minute de temps libre ou presque, vacillant entre épuisement mental et physique. Il y a bien sûr tous les soignants, mais pas que. Si je trouve normal qu’on parle beaucoup d’eux et qu’on leur adresse notre reconnaissance de différentes manières, j’ai le sentiment qu’on « oublie » trop les autres, tous les autres qui vont au charbon afin que nous puissions tout de même vivre avec un semblant de normalité dans une situation qui ne l’est en aucune manière. Je trouve dommage que la lumière dans laquelle on baigne nos courageux soignants laisse par contraste les autres dans l’ombre de la reconnaissance socio-médiatique. Alors que nous râlons ou pleurnichons parce que nous sommes bloqués à la maison et que nos déplacements sont limités à l’indispensable, j’aimerais qu’on prenne un moment pour penser à celles et ceux qui n’ont pas cette chance de pouvoir assurer leur sécurité sanitaire.
Je vais sans doute en oublier et je les prie d’avance de m’excuser, mais voilà en vrac celles et ceux sans qui notre confinement virerait au cauchemar : employés de supermarchés, commerces et acteurs de la chaine alimentaires, routiers et chauffeurs-livreurs, marins et dockers, employés d’entrepôts et de distribution, éboueurs et employés de déchèteries, balayeurs de rue, employés des centrales électriques et raffineries, pompiers et forces de l’ordre, conducteurs-chauffeurs et employés des transports en commun, militaires, agents d’entretien des transports, journalistes de terrain, ambulanciers et urgentistes, employés de pharmacie et laborantins, employés d’aéroports et personnel navigant, employés de la chaine de production pharmaceutique, agriculteurs, éleveurs et maraichers, personnel des abattoirs, guichetiers et agents d’accueil administratifs, postiers, employés de voirie, employés des télécommunications, personnel carcéral, etc. Ca en fait du monde sur le pont ! Et quand on voit la pénurie de matériel pour celles et ceux qui sont au contact direct du virus, il est clair que tous les autres travaillent sans protection ou presque afin que nous ayons encore cette illusion de normalité. Dans une moindre mesure, je pense à ceux qui se sont sacrifiés à Tchernobyl et Fukushima afin que le reste de l’humanité puisse continuer à vivre à peu près normalement.
Etrange situation où les confinés tournent en rond chez eux en se demandant s’ils auront encore un emploi ou leur entreprise quand ce sera fini et où ceux qui travaillent tous les jours se demandent s’ils seront toujours vivants et en bonne santé lorsque la vie reprendra son cours normal. Depuis des années des voix s’élèvent contre la mondialisation et ses dérives, notamment pour ce qui concerne le dumping salarial et l’écart toujours grandissant entre les très riches et la classe moyenne qui, à de rares exceptions près, se paupérise chaque année un peu plus. Au-delà du débat de fond, il me semble important de relever qu’en situation de crise (ici, sanitaire, mais qui s’appliquerait à n’importe quelle situation de crise, économique, sociale, militaire ou catastrophe naturelle), eh bien ce sont en énorme majorité les moins bien payés qui sont les plus indispensables à notre survie. Le risque de vivre des situations d’urgence telles que celle dans laquelle nous somme plongés jusqu’au cou, c’est que nous ne nous focalisions que sur l’immédiatement nécessaire et vital en laissant de côté les causes et raisons qui nous conduit dans l’impasse. Lorsque nous râlons et sommes contrariés parce que nous ne pouvons plus aller boire un verre avec les copains, voir un film, voyager ou faire notre petit jogging, pensons à la chance que nous avons de pouvoir rester à l’abri quand d’autres n’ont pas ce choix.
Il n’est évidemment pas question de sacrifier les premières nécessités vitales sur l’autel du débat philosophique, mais il me parait tout aussi nécessaire et indispensable, le moment venu, de remettre en question notre mode de vie et de consommation. Puisque celles et ceux qui assurent notre survie actuelle n’ont sans doute ni le temps ni l’énergie de se poser ce genre de questions (encore que), il serait bien que nous qui sommes confinés et avons donc plein de disponibilité, prenions un peu de temps pour réfléchir à la suite. Quel type de société voulons-nous, dans quel monde souhaitons-nous vivre et laisser à nos descendants, où plaçons-nous notre reconnaissance sociale, à quelle échelle mesurons-nous notre réussite et celle des autres et quelle véritable importance donnons-nous à notre confort personnel ?
Placés devant une situation de crise qui est en train de changer pas mal de choses et entrainera sans doute de profonds bouleversements dans un futur proche, il est temps de commencer à réfléchir à ce que nous voulons vraiment et de se demander si un rééquilibrage des richesses et des priorités socioéconomiques n’est pas maintenant une nécessité. Ce serait sans doute une belle manière de montrer notre reconnaissance à toutes celles et tous ceux qui continuent d’assurer notre bien-être actuellement. Si nous parvenons à tirer les bonnes leçons de cette crise, alors nous aurons fait un véritable pas en avant. Dans le cas contraire, toutes celles et tous ceux qui sont morts l’auront été pour rien et nos applaudissements aux balcons ne resteront que comme une manifestation de plus de notre stupidité, de notre égoïsme et de notre hypocrisie.
Et ce sera tout pour aujourd’hui, à demain.
Je vous laisse méditer cette phrase de l’auteur du Petit Prince.

Dimanche 29 mars 2020 – Jour 13
Et un dimanche, un. Je dois reconnaître que depuis des années, cette notion de semaine / week-end ne signifie plus grand chose pour moi. A part la fermeture des magasins et le fait que certains soient en congé, j’ai pris l’habitude de ne plus rythmer mon quotidien en fonction des fins de semaine ou des vacances scolaires. De plus, aux Antilles, presque tout étant ouvert 7/7, j’avais donc perdu la notion de semaine qui est la référence de tous ceux qui travaillent ou ont des enfants scolarisés. De ce point de vue, le confinement n’a rien changé pour moi ou plutôt m’a permis de remonter les années. Depuis que je me suis proposé d’écrire un texte par jour j’ai en même temps retrouvé une échelle temporelle plus significative. Puisque qu’on parle de temps, ce dimanche, nous sommes passés à l’heure d’été. J’ai vu passer plusieurs messages humoristiques qui disaient en substance « quelle chance, on va pouvoir rester une heure de plus à la maison ». Oui, sauf que non. En fait, on a comme chaque année « perdu » une heure vu que nous avons avancé nos montres et pendules de 60 minutes. Les noctambules le savent bien, puisque chaque dernier week-end de mars, ils ont une heure de moins pour danser et boire des verres dans les établissements de nuit. En fait, c’est le dernier week-end d’octobre que nous récupéreront cette heure et pourrons dormir ou festoyer une heure de plus, comme chaque année.
Ca me rappelle le « débat » ou plutôt les copieuses engueulades à l’époque du passage à l’an 2000. Pour beaucoup, cela signifiait entrer dans le 21ème siècle et le 3ème millénaire. Eh bien non, mathématiquement, l’an 2000 fut la dernière année du 20ème siècle et du second millénaire. Une dizaine, une centaine et un millier commencent tous à 1 et se terminent à 10, 100 et 1000. Cette confusion s’était alors développée à cause de ce qu’on a appelé le bug de l’an 2000 pour les ordinateur qui à l’époque n’étaient pas en capacité de gérer mathématiquement le passage à l’an 2000. Une véritable psychose s’était installée, certains voyaient les avions tomber en plein vol à minuit pile, les équipements de sécurité nucléaire tomber en panne mettant les centrales à l’arrêt, le matériel hospitalier géré par ordinateur faire de même et les systèmes boursiers et bancaires se mettre aux abonnés absents. Bref, on nous promettait l’apocalypse. Finalement, beaucoup de bruit pour rien, sauf quelques pannes mineures, le fameux bug qui devait mettre le monde à genoux ne fit pas plus de bruit qu’un pet de nonne glissant sur une toile cirée. D’ailleurs, cette année 2020 terminera la première décennie du nouveau siècle et du nouveau millénaire. Pas une grande perte vu la façon dont on l’a débutée.
Hier, j’ai fait une pause et ne suis donc pas allé m’abreuver au catastrophisme ambiant concernant le Covid-19. Ca fait un bien fou et si j’avais un conseil à vous donner en lien avec cette ambiance très anxiogène que les médias entretiennent, eh bien ce serait de vous couper totalement de l’info pendant au moins 24 heures. Parce que mis à part l’augmentation du nombre de malades et de morts, le feuilleton concernant l’efficacité de la chloroquine ou les théories du complot concernant l’origine du virus, vous n’apprendrez rien de plus ou presque. Comme le soufflé tend à redescendre un peu (on commence gentiment à se faire à la nouvelle donne), nos médias qui vivent de cette manne que sont les catastrophes en tous genres, les faits-divers, les scandales et la misère humaine en général, rivalisent d’efforts pour continuer à titiller votre psyché et alimenter le besoin de vous faire peur et de vous apitoyer sur le sort de celles et ceux qui sont encore plus mal loti que vous.
D’accord, il font leur travail et c’est pour cela que nous les payons, que ce soit via la redevance télé ou la publicité. Ce conseil d’éloignement s’adresse en priorité aux plus influençables et vulnérables nerveusement. Si vous commencez à vous réveiller en sueur au milieu de la nuit en visualisant des hôpitaux surchargés ou des tas de cadavres dans les rues, c’est le moment de vous débrancher du web et de tourner le bouton de vos postes de télé ou de radio. Pour être honnête, tel le toxicomane qui rêve et a besoin de sa prochaine dose, il est très difficile de renoncer à l’univers médiatique. On se dit tiens, et si j’allais regarder les dernières infos juste en vitesse, hein ? Histoire de ne pas passer pour un idiot à la pause café demain au boulot. De ce point de vue, je ne suis pas meilleur qu’un autre et ce matin, je me suis dépêché d’aller faire un tour sur Internet « juste pour avoir les derniers développements ».
A propos des médias, bien que ne regardant plus la télé depuis le 11/9 (à l’exception de temps en temps d’un match de tennis ou d’un GP de F1), je me suis demandé si la publicité allait continuer à déferler sur nos écrans tous les quarts d’heure et si oui, sous quelle forme et quels contenus. Parce qu’en ces temps de confinement j’essaie d’imaginer la page de pub qui précède ou suit le journal télévisé. Pendant 30 minutes on vous explique qu’il est vital de rester confiné et de respecter la fameuse distanciation sociale et dans la foulée, juste avant la météo, on vous balance des pubs qui montrent une joyeuse bande copains fraterniser en buvant des bières dans un bar bondé ou en se faisant des grillades pendant une fête de quartier. Sans parler des voyagistes qui vous proposent un merveilleuse croisière confinés sur un paquebot de 4’000 passagers pour 250.-€ la semaine tout compris, Covid-19 gracieusement offert avec les cacahuètes de l’apéro.
Je me suis donc dit, qu’en ces temps de crise, le premier budget que les entreprises allaient réduire serait celui de la publicité/marketing. Et quand on connait la dépendance des médias audio-visuels et de la presse écrite aux annonceurs, le risque de voir la qualité de l’information et des programmes plonger va augmenter en même temps que la situation dure, quand ce n’est pas la survie de certains médias qui va se jouer. Je pense en particulier à toutes les télés et radios privées ainsi qu’à la presse gratuite du type « 20 Minutes ». Bon, si le Covid-19 peut signer l’arrêt de mort de la télé-réalité et envoyer Hanouna dans les poubelles de l’histoire, on ne va pas pleurer non plus, sauf peut-être Zemmour ou Moix qui perdront une possibilité de vomir leur haine et leur indigence intellectuelle aux heures de grande écoute.
Idem pour les sites web qui vous forcent à faire de l’archéologie pour dénicher une information sous une avalanche de publicités plus débiles les unes que les autres et qui osent encore vous faire la morale quand vous utilisez un VPN et/ou un bloqueur de publicité. J’ai également une pensée pour toute la presse spécialisée sportive qui après avoir fait les fonds de tiroirs en multipliant les rubriques « Que sont-ils devenus » ou « Souvenez.-vous, c’était il y a 10 ans, 20 ans, 30 ans » vont avoir de la peine à sortir des numéros qui font plus de cinq pages, pubs comprises. Imaginez le journal ou le site de l’Equipe après 6 mois sans sport et bientôt privé de Tour de France. Certes, il reste encore le Mondial de tricot ou l’Euro de cuisine tradition, mais ça reste probablement moins passionnant à chroniquer qu’un match PSG-OM ou une finale Federer-Nadal. Je pense encore à tous ces pauvres athlètes, obligés de continuer à se doper dans le vide sans savoir s’il joueront ou courrons avant l’année prochaine.
En revanche, la presse spécialisée dans la survie (Comment équiper votre bunker en cas d’épidémie), le jardinage (Comment faire pousser des légumes bio sur le bord de votre fenêtre en ville), les armes à feu (Pour protéger votre jardinet, faut-il acheter un fusil à pompe ou un fusil d’assaut ?) ou encore la cuisine (Comment faire votre pain sans levure et sans farine) vont faire un carton. Le malheur des uns, refrain connu. La presse dite économique est également à l’abri du besoin ces dix prochaines années, tant le sujet va devenir prioritaire si l’épidémie perdure. J’ai essayé d’imaginer le futur de la publicité et je verrais assez des campagnes du genre, pour un tri-pack de lessive liquide acheté avant la fin du mois, vous recevez un rouleau de papier-toilette quadruple épaisseur doux comme la peau de bébé. A l’achat de douze boites de purée de tomate, vous avez 25% de rabais sur le paquet de 500g de spaghettis. Ou encore la pub d’un voyagiste qui vous proposera de gagner un week-end pour deux dans le parc public de votre ville par tirage au sort. Bref, il va falloir se réinventer dans tous les domaines.
Et ce sera tout pour aujourd’hui, à demain.
Mais surtout n’oubliez pas (merci Philippe Geluck) :

Samedi 28 mars 2020 – Jour 12
Et hop, une traversée de faite. En ce douzième jour, je me fais la réflexion que c’est exactement la durée de ma traversée de l’Atlantique entre le Cap Vert et la Martinique il y a un peu plus de quatre ans. Que cela me semble loin. Il y a cinq ans, j’achetais Azymuthe qui s’appelait alors « Maris Stella II » et j’avais passé tout le printemps et l’été 2015 à le préparer et le prendre en main en Méditerranée. Pendant ces 5 dernières années, il fut ma résidence principale et nous avons vu bien du pays, Espagne, Canaries, Cap Vert et la grande majorité de l’archipel antillais. Je me dis que le confinement n’est pas très différent d’une transat où on reste confiné dans un espace restreint avec un paysage qui ne varie que peu, la vraie différence étant que ça roule et tangue sans cesse pendant douze jours. Au fond, ici, c’est un peu pareil, c’est la météo qui change et donc qui fait évoluer le paysage. Enfin, pas tout à fait dans la mesure où le printemps nous offre une nature en constante évolution, du moins si on prend le temps de la regarder et de l’écouter. Par exemple, Le bruit du vent dans les arbres a changé. Il n’y a pas si longtemps, quand le vent se levait, on l’entendait siffler dans les branches, il emportait avec lui les feuilles mortes encore accrochées aux branches, les renvoyant en tournoiements et arabesques gracieuses devant nos fenêtres.
Maintenant que le feuillage est arrivé, le vent bruisse et chante dans les ramures, frémit en faisant ondoyer l’herbe encore verte mais qui finira par prendre une belle teinte jaune au coeur de l’été. Là-bas, au fond du jardin quelqu’un a posé une chaise face au lac, une façon de changer de vue et d’ambiance. Ca semble un peu stupide de le dire comme ça, mais le simple fait de s’éloigner de vingt ou trente mètres de la maison donne le sentiment qu’on est ailleurs. Les bruits sont différents le vent ne souffle pas de la même manière et les odeurs changent légèrement. Bon, vous me direz que ce n’est pas propre au confinement et je suis d’accord. Sauf que là, depuis plus de dix jours, il me semble que mes sens sont en éveil permanent. Le cerveau momentanément débarrassé des contingences du quotidien, j’ai l’impression d’avoir plein de disponibilités sensitives et en profite à fond. Ca me rappelle un peu mon enfance quand je n’avais pas à me soucier que quoi que ce soit d’autre que de mes émois, à la découverte d’un monde presque complètement inconnu. Ce retour à l’enfance est pour moi un cadeau, le trivial et le quotidien reprendront leur place bien assez vite. Profitons de ce break pour redécouvrir notre environnement, laissons-nous porter un peu par le silence et le chant des oiseaux, essayons de retrouver une paix intérieure qu’en temps normal nous n’avons presque jamais le temps de visiter et savourer.
A défaut de pouvoir se promener, on cherche et on trouve des astuces pour meubler sa journée. Aller boire un café une fois sur le « ponton », une fois sur la terrasse, une fois à l’intérieur permet de varier les plaisirs. Juste avant le confinement, en plein mois de février, on a eu le bonheur de voir l’amandier et l’abricotier en fleurs. Après quelques jours la tempête a tout emporté, il fallait donc profiter de l’instant. C’est d’ailleurs quelque chose que je me suis mis à faire presque tous les jours, je m’assieds, je prends un moment pour m’imprégner de cette nature si tranquille et sereine. Ce matin, grand bonheur, il était possible de rester dehors sans être habillé comme pour une expédition polaire. J’en ai bien profité. Ces jours, ce sont les pruniers sauvages qui enchantent la vue, il y en a presque partout où porte le regard et je mesure une fois encore le privilège de pouvoir endurer le confinement dans un tel écrin naturel. Aujourd’hui, pour la première fois, nous avons pu manger dehors à midi. Certes, nous ne sommes pas encore en chemisette ou t-shirt, mais avec un pull ou une veste légère, c’est que du bonheur. Un peu de chauffage ce matin pour enlever la crudité et l’humidité de la nuit et nous voilà parti pour une journée où il fait bon rester au soleil.
Il y a trois nuits, ma minette s’est bagarrée avec le caïd du quartier et vu le tapis de poils retrouvé au matin dans le jardin, la baston a dû être sévère ! Du haut de ses presque seize ans, elle ne fait plus le poids face à des chats encore jeunes mais elle essaie tout de même de défendre encore son territoire. Le problème, c’est que depuis mon départ en mer, elle a beaucoup été seule, trop seule, et est devenue un peu sauvage. Impossible de la faire dormir à l’intérieur si on doit fermer à cause de la température. Elle passe donc sa vie dehors, mais vu l’insécurité féline qui règne ici, elle a besoin de pouvoir se réfugier quelque part si ça tourne mal. On lui a donc réinstallé un carton au fond duquel j’ai mis un vieux pull mité et elle a pris ses quartiers nocturnes dans la maison tout en pouvant sortir et rentrer au gré de ses envies. Celles et ceux qui ont un chat connaissent par coeur ce caprice qui consiste a miauler quand il veut rentrer et à peine dedans se remet à miauler pour sortir. Si on laisse faire, on passe sa journée à faire de la gymnastique en même temps que le chat. Et pour peu que la porte grince, c’est une excellente méthode pour rendre fous ses voisins. A propos de gymnastique, voici une idée pour garder la forme :

Une dernière chose concernant ce billet quotidien. Jusqu’ici j’ai presque toujours trouvé quelque chose à raconter sauf hier. Perdu dans mes pensées et mes émotions, je n’avais pas envie d’écrire et encore moins de narrer ce qui me trottait dans la tête. Normalement, il y aura chaque jour un bout de texte, mais il sera pas toujours étoffé ni bien écrit ni même inspiré. Il faut dire aussi que l’endroit où je suis ne propose pas d’actualité trépidante et je me rends compte que je n’ai pas envie non plus de parler tous les jours du virus et de l’état de propagation de la pandémie. Ce jour, en l’occurrence, je ne suis allé me balader ni sur Internet ni sur les réseaux sociaux, sauf pour répondre à un ou deux messages reçus. Ca m’a fait le plus grand bien de décrocher de l’actualité surtout en cette période anxiogène. Je vais certes continuer à proposer la mise à jour de la page dédiée aux chiffres en les commentant brièvement, mais la leçon de ces deux derniers jours est entendue, il est indispensable de prendre de la distance avec ce que nous vivons, sous peine de devenir complètement paranos et bons pour le cabanon. Sous couvert de partager les dernières nouvelles ou potins ou scandales liés à l’épidémie, certains ont basculé en mode pseudo-lanceurs d’alerte et donnent malheureusement dans la surenchère, quand ce n’est pas dans le complotisme. Il me semble que c’est déjà assez compliqué et parfois angoissant sans encore en rajouter en mode apocalyptique. De plus, après une montée en puissance et le matraquage médiatique qui s’en est suivi, le soufflé commence à redescendre un peu au même rythme que nous nous habituons à cette nouvelle situation. L’être humain est définitivement très résilient.
Et ce sera tout pour aujourd’hui, à demain.
Encore un peu d’humour reçu ce jour d’un ami médecin :

Vendredi 27 mars – Jour 11
Un feu de cheminée qui crépite, le silence, un voyage intérieur. Une journée paisible, l’esprit vagabond, quelques nouvelles sur les avancées du virus, ça tourne en boucle. Envies de lecture, petit encas, un peu de vaisselle, du ménage en vitesse, une salade et quelques nouvelles, la nuit tombe, une tisane et un bon bouquin, voilà le programme.
Et ce sera tout pour aujourd’hui, à demain.
