Dimanche 29 mars 2020 – Jour 13
Et un dimanche, un. Je dois reconnaître que depuis des années, cette notion de semaine / week-end ne signifie plus grand chose pour moi. A part la fermeture des magasins et le fait que certains soient en congé, j’ai pris l’habitude de ne plus rythmer mon quotidien en fonction des fins de semaine ou des vacances scolaires. De plus, aux Antilles, presque tout étant ouvert 7/7, j’avais donc perdu la notion de semaine qui est la référence de tous ceux qui travaillent ou ont des enfants scolarisés. De ce point de vue, le confinement n’a rien changé pour moi ou plutôt m’a permis de remonter les années. Depuis que je me suis proposé d’écrire un texte par jour j’ai en même temps retrouvé une échelle temporelle plus significative. Puisque qu’on parle de temps, ce dimanche, nous sommes passés à l’heure d’été. J’ai vu passer plusieurs messages humoristiques qui disaient en substance « quelle chance, on va pouvoir rester une heure de plus à la maison ». Oui, sauf que non. En fait, on a comme chaque année « perdu » une heure vu que nous avons avancé nos montres et pendules de 60 minutes. Les noctambules le savent bien, puisque chaque dernier week-end de mars, ils ont une heure de moins pour danser et boire des verres dans les établissements de nuit. En fait, c’est le dernier week-end d’octobre que nous récupéreront cette heure et pourrons dormir ou festoyer une heure de plus, comme chaque année.
Ca me rappelle le « débat » ou plutôt les copieuses engueulades à l’époque du passage à l’an 2000. Pour beaucoup, cela signifiait entrer dans le 21ème siècle et le 3ème millénaire. Eh bien non, mathématiquement, l’an 2000 fut la dernière année du 20ème siècle et du second millénaire. Une dizaine, une centaine et un millier commencent tous à 1 et se terminent à 10, 100 et 1000. Cette confusion s’était alors développée à cause de ce qu’on a appelé le bug de l’an 2000 pour les ordinateur qui à l’époque n’étaient pas en capacité de gérer mathématiquement le passage à l’an 2000. Une véritable psychose s’était installée, certains voyaient les avions tomber en plein vol à minuit pile, les équipements de sécurité nucléaire tomber en panne mettant les centrales à l’arrêt, le matériel hospitalier géré par ordinateur faire de même et les systèmes boursiers et bancaires se mettre aux abonnés absents. Bref, on nous promettait l’apocalypse. Finalement, beaucoup de bruit pour rien, sauf quelques pannes mineures, le fameux bug qui devait mettre le monde à genoux ne fit pas plus de bruit qu’un pet de nonne glissant sur une toile cirée. D’ailleurs, cette année 2020 terminera la première décennie du nouveau siècle et du nouveau millénaire. Pas une grande perte vu la façon dont on l’a débutée.
Hier, j’ai fait une pause et ne suis donc pas allé m’abreuver au catastrophisme ambiant concernant le Covid-19. Ca fait un bien fou et si j’avais un conseil à vous donner en lien avec cette ambiance très anxiogène que les médias entretiennent, eh bien ce serait de vous couper totalement de l’info pendant au moins 24 heures. Parce que mis à part l’augmentation du nombre de malades et de morts, le feuilleton concernant l’efficacité de la chloroquine ou les théories du complot concernant l’origine du virus, vous n’apprendrez rien de plus ou presque. Comme le soufflé tend à redescendre un peu (on commence gentiment à se faire à la nouvelle donne), nos médias qui vivent de cette manne que sont les catastrophes en tous genres, les faits-divers, les scandales et la misère humaine en général, rivalisent d’efforts pour continuer à titiller votre psyché et alimenter le besoin de vous faire peur et de vous apitoyer sur le sort de celles et ceux qui sont encore plus mal loti que vous.
D’accord, il font leur travail et c’est pour cela que nous les payons, que ce soit via la redevance télé ou la publicité. Ce conseil d’éloignement s’adresse en priorité aux plus influençables et vulnérables nerveusement. Si vous commencez à vous réveiller en sueur au milieu de la nuit en visualisant des hôpitaux surchargés ou des tas de cadavres dans les rues, c’est le moment de vous débrancher du web et de tourner le bouton de vos postes de télé ou de radio. Pour être honnête, tel le toxicomane qui rêve et a besoin de sa prochaine dose, il est très difficile de renoncer à l’univers médiatique. On se dit tiens, et si j’allais regarder les dernières infos juste en vitesse, hein ? Histoire de ne pas passer pour un idiot à la pause café demain au boulot. De ce point de vue, je ne suis pas meilleur qu’un autre et ce matin, je me suis dépêché d’aller faire un tour sur Internet « juste pour avoir les derniers développements ».
A propos des médias, bien que ne regardant plus la télé depuis le 11/9 (à l’exception de temps en temps d’un match de tennis ou d’un GP de F1), je me suis demandé si la publicité allait continuer à déferler sur nos écrans tous les quarts d’heure et si oui, sous quelle forme et quels contenus. Parce qu’en ces temps de confinement j’essaie d’imaginer la page de pub qui précède ou suit le journal télévisé. Pendant 30 minutes on vous explique qu’il est vital de rester confiné et de respecter la fameuse distanciation sociale et dans la foulée, juste avant la météo, on vous balance des pubs qui montrent une joyeuse bande copains fraterniser en buvant des bières dans un bar bondé ou en se faisant des grillades pendant une fête de quartier. Sans parler des voyagistes qui vous proposent un merveilleuse croisière confinés sur un paquebot de 4’000 passagers pour 250.-€ la semaine tout compris, Covid-19 gracieusement offert avec les cacahuètes de l’apéro.
Je me suis donc dit, qu’en ces temps de crise, le premier budget que les entreprises allaient réduire serait celui de la publicité/marketing. Et quand on connait la dépendance des médias audio-visuels et de la presse écrite aux annonceurs, le risque de voir la qualité de l’information et des programmes plonger va augmenter en même temps que la situation dure, quand ce n’est pas la survie de certains médias qui va se jouer. Je pense en particulier à toutes les télés et radios privées ainsi qu’à la presse gratuite du type « 20 Minutes ». Bon, si le Covid-19 peut signer l’arrêt de mort de la télé-réalité et envoyer Hanouna dans les poubelles de l’histoire, on ne va pas pleurer non plus, sauf peut-être Zemmour ou Moix qui perdront une possibilité de vomir leur haine et leur indigence intellectuelle aux heures de grande écoute.
Idem pour les sites web qui vous forcent à faire de l’archéologie pour dénicher une information sous une avalanche de publicités plus débiles les unes que les autres et qui osent encore vous faire la morale quand vous utilisez un VPN et/ou un bloqueur de publicité. J’ai également une pensée pour toute la presse spécialisée sportive qui après avoir fait les fonds de tiroirs en multipliant les rubriques « Que sont-ils devenus » ou « Souvenez.-vous, c’était il y a 10 ans, 20 ans, 30 ans » vont avoir de la peine à sortir des numéros qui font plus de cinq pages, pubs comprises. Imaginez le journal ou le site de l’Equipe après 6 mois sans sport et bientôt privé de Tour de France. Certes, il reste encore le Mondial de tricot ou l’Euro de cuisine tradition, mais ça reste probablement moins passionnant à chroniquer qu’un match PSG-OM ou une finale Federer-Nadal. Je pense encore à tous ces pauvres athlètes, obligés de continuer à se doper dans le vide sans savoir s’il joueront ou courrons avant l’année prochaine.
En revanche, la presse spécialisée dans la survie (Comment équiper votre bunker en cas d’épidémie), le jardinage (Comment faire pousser des légumes bio sur le bord de votre fenêtre en ville), les armes à feu (Pour protéger votre jardinet, faut-il acheter un fusil à pompe ou un fusil d’assaut ?) ou encore la cuisine (Comment faire votre pain sans levure et sans farine) vont faire un carton. Le malheur des uns, refrain connu. La presse dite économique est également à l’abri du besoin ces dix prochaines années, tant le sujet va devenir prioritaire si l’épidémie perdure. J’ai essayé d’imaginer le futur de la publicité et je verrais assez des campagnes du genre, pour un tri-pack de lessive liquide acheté avant la fin du mois, vous recevez un rouleau de papier-toilette quadruple épaisseur doux comme la peau de bébé. A l’achat de douze boites de purée de tomate, vous avez 25% de rabais sur le paquet de 500g de spaghettis. Ou encore la pub d’un voyagiste qui vous proposera de gagner un week-end pour deux dans le parc public de votre ville par tirage au sort. Bref, il va falloir se réinventer dans tous les domaines.
Et ce sera tout pour aujourd’hui, à demain.
Mais surtout n’oubliez pas (merci Philippe Geluck) :
