Mardi 7 avril 2020 – Jour 22
Enfin des températures qui remontent, surtout l’après-midi. Le vent est un peu tombé et on peut vraiment profiter de l’extérieur. On en a profité pour faire un peu de travail jardinier, les uns et les autres. L’amandier nous fait honneur et présente déjà beaucoup de fruits qui vont bien entendu encore devoir mûrir, mais je me réjouis déjà de pouvoir manger des amandes fraiches. Un privilège ! Après la taille, l’abricotier est monté en fleurs très rapidement mais les abeilles et autres insectes n’ont pas eu assez de temps pour la pollinisation.On aura tout de même quelques fruits, mais nettement moins qu’espéré, surtout si nos amis ailés s’en mêlent. Un petit truc au passage pour celles et ceux qui ont des arbres fruitiers dans leur environnement immédiat, l’été, laissez quelques fruits pourrir au pied de l’arbre, ce sont d’excellents anti-guêpes et frelons. Plus le fruit possède une teneur en sucres importante, mieux ça marche. Testé l’été dernier, c’est parfait, naturel et absolument sans odeurs désagréables tels les répulsifs chimiques.
Cet après-midi, première tonte du gazon. Eh bien il y en a au moins une que ça a agacée, c’est la minette. Madame roupillait tranquillou au soleil, une légère brise accompagnait sa sieste, bref que du bonheur. Et voilà que l’ahuri arrive avec sa tondeuse, la forçant à déménager. Je vous dis pas le regard désapprobateur dont elle m’a gratifié. Pour autant que j’y figure, me voilà radié de son testament, c’est certain. Je vais quand même essayer de la soudoyer ce soir en améliorant son ordinaire de croquettes avec un peu de jambon ou de gras. C’est toujours mieux que les « Monk » qui désinfectent leurs animaux de compagnie à la javel ou au gel hydroalcoolique… La capacité des humains à élever leur niveau de stupidité ne cessera jamais de m’étonner, elle est, comme l’affirmait Einstein, infinie.
Il y a peu, j’ai abordé la difficulté qu’on doit tous ressentir à l’idée de ne plus pouvoir voir ses proches, sa famille et ses amis, confinés que nous sommes pour une durée aujourd’hui encore très indéterminée. Plus que l’éloignement ou l’impossibilité de se déplacer librement, le plus dur est cette incertitude dans laquelle nous sommes tous plongés, sans exception. Lorsque nous affrontons une catastrophe naturelle ou une menace, nous pouvons être momentanément coupé des autres ou du monde et nous l’acceptons en général très bien car nous savons que dans un laps de temps assez court et déterminé, l’événement sera derrière nous et aussi précaire soit-elle, la situation se décantera et nous autorisera à reprendre le cours de nos vie. Les Antillais, par exemple, habitués et rodés au passage des cyclones connaissent bien ce phénomène et ils ont appris à développer une certaine fatalité face ce type d’événement. Dans 24 heures, on remet le nez dehors, c’est fini. Reste à compter les morts, les disparus et reconstruire ce qui peut l’être en espérant être épargné la fois suivante.
Le Covid-19 a créé une situation que personne aujourd’hui de ce monde aurait déjà vécue, non que les précédentes épidémies ne nous aient rien appris, mais parce que le maître mot qui résonne dans tous les esprits actuellement se nomme incertitude. Il suffit de suivre un peu les fils d’infos et les journaux télévisés pour ne plus savoir où on en est, qui croire ou ne pas croire, que faire ou comment le faire. Ca change presque d’heure en heure et le feuilleton des masques en est un très bon exemple. Ils sont d’abord inutiles, sauf pour les soignants et quinze jours plus tard, ils sont devenus indispensables pour envisager un déconfinement progressif. Les exemples sont nombreux, je ne vais pas vous les lister ici, chacun aura, selon son expérience, un ou plusieurs exemples à l’esprit. Incertitude, donc. Incertitude quant à la durée de la pandémie, incertitude économique, incertitude sanitaire, incertitude quant au monde de demain. La seule chose que tout le monde pressent, c’est les choses seront différentes. Dans quelle mesure, à quel degré, vers quels bouleversements, incertitude encore. J’imagine que c’est ce que devaient ressentir les grands navigateurs et aventuriers quand ils sont partis à la découverte du nouveau monde. Sauf qu’eux avaient fait un choix, l’incertitude ne leur avait pas été imposée.
Pour terminer, ce paradoxe qui risque de définir toute notre vie ces prochains temps, avez-vous remarqué ou pensé au fait que la meilleure preuve d’amour qu’on puisse donner à ses proches, à ses amis et à sa famille, est aujourd’hui de rester loin d’eux ? De ne pas les toucher, les embrasser ni même les côtoyer sauf si vous ne risquez pas de vous exposer à la contamination. Si j’aime l’idée qu’on puisse rester en contact via les techniques modernes de communication, je déteste l’idée ne pas pouvoir approcher ceux que j’aime avant je ne sais pas combien de temps. Incertitude encore.
Et ce sera tout pour aujourd’hui, à demain.
L’éclat de rire du jour, c’est important pour le moral.
