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Mercredi 18 mars 2020 – Jour 2

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Quel bonheur de se réveiller avec le soleil et des températures en hausse ! Passée la routine matinale qui consiste à ouvrir au chat pour qu’il vienne se sustenter, préparer le désormais traditionnel bol de fruits frais et infuser mon thé, je vais me promener sur le web et les réseaux sociaux pour glaner les dernières infos. Je constate que la bonne humeur et l’humour dominent avec, certes, quelques publications qui oscillent entre castastrophisme, névrose et complotisme à la petite semaine où la surenchère tend à prendre le pas sur la raison et le sang-froid. On sait depuis longtemps que l’humain n’aime rien tant que se faire peur et nourrir ses angoisses existentielles par overdose de faits-divers et nouvelles alarmistes, mais quand je vois certains partages ou statuts, je me demande quel est le but recherché. Il me semble que la situation est suffisamment inquiétante par elle-même sans devoir encore en rajouter dans la catégorie Armaguédon.

Deux choses cependant me frappent. Cela fait maintenant au moins une semaine que partout les autorités demandent à la population d’adopter quelques règles de conduite simples dans le but de limiter la propagation de l’épidémie. Ces règles n’ayant pas été très suivies, sans doute par confort personnel et insouciance, en France le confinement volontaire est devenu obligatoire depuis 24 heures. Dès lors, il y a eu une avalanche de vidéos, dessins, photos, articles et podcast pour expliquer sans la moindre ambiguïté les raisons du confinement. En clair, restez chez vous et ne vous déplacez plus pour limiter au maximum la propagation du virus. C’est quand même très simple à comprendre, non ? On pourrait penser que les gens, soucieux de leur bien-être et de celui de l’ensemble de la population, jouent le jeu et fassent leur part, eh bien non, la réaction des citadins (des Parisiens en particulier) a été de se tirer le plus vite possible à la campagne ou à la montagne pour se mettre au vert, sans penser une seconde au fait que leur exode décuplait les risques de propagation. Je veux bien que ce comportement soit profondément humain, mais il relève tout de même d’un égoïsme foncier. En ce qui me concerne, tous ces gens ont perdu le droit de se plaindre et de critiquer les autorités. Accessoirement, il ne faudra pas venir pleurnicher si les contrôles se durcissent et que des mesures encore plus drastiques sont mises en place, du genre camps d’isolement pour les récalcitrants. 

Des voyageurs quittent Paris par le train via la Gare Saint Lazare lors que l’épidémie de coronavirus s’étend et oblige au confinement Paris le 16/03/2020 Photo François Bouchon / Le Figaro

Autre exemple qui me laisse plus que dubitatif, c’est l’attitude des autorités suisses face à cette épidémie. Alors que la Suisse est le pays le plus touché d’Europe (par rapport à son nombre d’habitants) derrière l’Italie, je me demande bien pourquoi Berne tergiverse et n’impose pas le confinement strict comme ses voisins italiens et français. Certes, le fédéralisme complique sensiblement les choses relativement à la sacro-sainte souveraineté cantonale, mais on n’en est plus à palabrer sur l’heure de fermeture des bars et discothèques ou des programmes scolaires de l’année prochaine. Qu’attend Berne pour imposer le confinement et la fermeture de tout ce qui n’est pas essentiel à la survie (alimentation, soins, sécurité, etc) ? Pourquoi, notamment, autorise-t-on le trafic des frontaliers qui bossent dans l’horlogerie ? Autant je comprends qu’on ait besoin du personnel hospitalier et médical venant quotidiennement de France ou d’Allemagne, autant la vente de montres ou de machines-outil peut clairement attendre. Il me parait grand temps de définir des priorités sanitaires et de boucler tout le reste. 

Dans un registre plus positif, je trouve formidable ces multiples élans de solidarité qui fleurissent un peu partout. Que ce soient des offres bénévoles de services aux plus vulnérables ou ces applaudissements à heure convenue pour soutenir et remercier ceux qui n’ont pas le choix et sont quoi qu’il arrive en première ligne : soignants, laborantins, pharmaciens, chercheurs, forces de l’ordre, militaires, douaniers, pompiers, ambulanciers, acteurs de la chaine alimentaire, guichetiers, protection civile et tous ceux que j’oublie et qui travaillent sans relâche pour que nous puissions conserver au moins une illusion de normalité dans une situation qui en est très éloignée. J’avoue que le misanthrope qui sommeille en moi se réconcilie avec cette humanité que je juge souvent si désespérante. Si cette épidémie permettait de revenir à des bases de solidarité et d’entraide, pas seulement pendant, mais surtout après l’épidémie, alors nous n’aurons pas souffert en vain. Si nos « élites » politiques et économiques parviennent de plus à prendre conscience que nous devons changer de paradigmes économiques et sociaux, alors on aura fait un grand pas vers une meilleure humanité, une humanité plus consciente de sa fragilité, de sa précarité, de ses privilèges. 

Un autre effet de ce confinement à domicile, c’est la soudaine envie, voire le besoin impérieux de prendre des nouvelles de celles et ceux que j’aime et apprécie, en particulier si je ne les ai pas vu ou entendus depuis longtemps. Paradoxalement, cet isolement contraint pourrait bien rapprocher les gens, bien plus que lorsque nous vaquons à nos occupations habituelles. Je prends également conscience du privilège d’avoir des amis et de la famille quand certains n’ont plus qu’un animal de compagnie ou des souvenirs pour meubler leur solitude. J’ai une pensée émue pour ces personnes âgées qui végètent dans des homes, pour les taulards également et qui, déjà très isolés, voient leurs droits de visites annulés pour raison d’urgence sanitaire. Sans parler des malades hospitalisés et encore pire, celles et ceux qui subissent des traitements lourds détruisant leurs défenses immunitaires et à qui l’épidémie impose quasiment de devoir choisir entre mourir d’un cancer ou du virus. Moi qui vis depuis des années dans un isolement social relatif à cause de mon handicap auditif, je découvre soudain que je suis un privilégié en regard de celles et ceux qui sont vraiment seuls. 

Finalement, au-delà des inévitables drames et de la souffrance qu’elle crée partout dans le monde, cette épidémie est peut-être un bienfait pour les humains que nous sommes. Elle crée de l’incertitude, de la peur et des doutes, mais elle offre à une majorité d’entre-nous une pause et donc une possibilité de se retrouver et de faire un bilan de vie. Elle nous incite aussi à voir et apprécier ce que nous avons, à en profiter et en jouir, plutôt que de nous plaindre de ce dont nous avons l’impression de manquer. Enfin, l’épidémie, de par son risque létal élevé, nous renvoie à notre propre mortalité et pourrait donc nous ouvrir les yeux sur la place et l’importance que nous accordons à notre propre existence. Elle nous offre du temps et de l’espace pour une éventuelle remise en question. Certains trouveront ça sans doute futile, je préfère y voir une formidable opportunité de changement. 

  1. von Allmen Sandra says:

    Merci Olivier pour ce 2ème chapitre de ce livre qui risque d être très épais, pourrons nous le ranger dans une bibliothèque 🤔 le meilleur pour toi, bonne journée et 😙

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