Vendredi 20 mars 2020 – Jour 4
Comme nous sommes tout soudain en week-end, je vais mettre un peu de légèreté et d’humour en ce 4ème jour de confinement. Du positif également, même si, au premier abord, la situation ne s’y prête guère. Première chose positive, c’est l’équinoxe de printemps ! Depuis demain et jusqu’au 20-21 septembre, nos jours seront plus longs que nos nuits. Voilà donc une bonne raison de se réjouir, sauf peut-être les noctambules, mais comme les bars, clubs et discos sont fermés ce n’est pas très grave. Ce matin, avec mon voisin et ami, nous partageons un café sur le « ponton », un de ces petits instants appréciables et appréciés que nous avons mis en place spontanément. Entre silence et paroles, c’est un moment de partage tranquille face à la beauté et sérénité du paysage qui nous est offert. Un soleil voilé essaye de réchauffer un fond de l’air plutôt frisquet en ce début de matinée, nous faisant apprécier d’autant le petit noir que nous sirotons en regardant les nuées d’oiseaux qui se prélassent sur un lac absolument vide, ce qui est rare même en cette fin d’hiver. D’habitude, nous voyons toujours quelques passionnés qui s’adonnent à la voile ou à la pêche, ou de simples promeneurs seuls ou en petit groupes avec parfois leur chien.
Nous vivons dans un endroit particulièrement isolé, où, même avant les mesures de confinement, il respire une quiétude palpable. A peine quelques bruits l’été lorsque le camping et la base nautique tournent à plein régime. Ce qui fait que, vu d’ici, le confinement ne change pas grand chose à notre environnement. Cela dit, pas question d’aller nous prélasser sur les rives du lac, une amie a pu tester à ses dépends que les contrôles sont rigoureux, y compris ici. 135.-€ d’amende ! Ça fait cher le droit de se rafraîchir les doigts de pied. Ça peut paraitre excessif, mais je crois que c’est le prix à payer pour que les gens prennent conscience de la gravité de la situation. Je pense aussi que par solidarité avec celles et ceux qui vivent leur confinement dans de petits logements en ville, il est normal que nous jouions le jeu quand bien même les risques de contamination sont bien moindres que dans les cités qui concentrent des dizaines de milliers, voire des millions de gens comme en agglomération parisienne.
En cherchant une image libre de droit du virus, j’ai découvert une chose intéressante dans Le Monde (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/02/18/epidemie-de-covid-19-la-difficulte-de-bien-nommer-le-virus-et-la-maladie_6029998_4355770.html), son nom officiel est SRAS-CoV-2. J’ai jusqu’ici utilisé la dénomination CoVid-19 qui est en fait le nom de la maladie qu’il génère. Puisque nous allons en parler pendant des semaines ou des mois, autant utiliser les bons termes. En résumé, donc :
Nom du virus : Appelé d’abord « Coronavirus de Wuhan », il a pris temporairement l’appellation « 2019-nCoV » (nouveau coronavirus 2019) avant que les scientifiques n’adoptent son nom actuel de SRAS-CoV-2 (Sydrome Respiratoire Aigu Sévère – CoronaVirus-2).
Nom de la maladie : CoVid-19 (Coronavirus Disease 2019).
Voilà, on se couchera moins bêtes ce soir.
Donc voici une image de synthèse du SRAS-CoV-2 d’après son observation au microscope électronique. Je le trouve plutôt joli, ce virus. Je n’en ferais pas l’élevage ni des boucles d’oreille pour ma belle-mère, mais comme souvent, les images de l’infiniment petit sont étonnantes et esthétiques.
(Le virus SARS-CoV-2, responsable de la maladie Covid-19, en image de synthèse, d’après des observations au microscope électronique. CDC / LIZABETH MENZIES / AFP)
Cette charmante bestiole mesure 50 nanomètres à peu près. Evidemment, à l’exception de celles et ceux familiers de l’échelle atomique, ça ne représente pas grand chose pour le commun des mortels, si ce n’est que c’est très petit et ne se voit pas à l’oeil nu. C’est d’ailleurs bien dommage, ce serait beaucoup plus simple si on pouvait dire à son interlocuteur « Dis, tu devrais te moucher, t’as le SRAS-CoV-2 qui te pend au bout du nez ». Le nanomètre, c’est un milliardième de mètre ou un millionième de millimètre. C’est facile, vous prenez une règle de bureau, vous isolez un millimètre, vous le divisez par un million et vous le multipliez par 50. Et hop, tout de suite on voit mieux ce que ça représente. Ne me remerciez pas, c’est cadeau.
Cette nano-saleté qui bouffe les poumons des malades a la particularité de ne tuer que les êtres humains. La chauve-souris et le pangolin vivent très bien avec et si d’autres animaux sont éventuellement porteur, c’est sans risque pour eux, a priori. Avec les millions d’espèces qui cohabitent sur notre planète, nous sommes les seuls à pouvoir en mourir. C’est formidable, tout de même. La nature que nous détruisons sans aucune arrière-pensée depuis un siècle et demi, en gros depuis le développement industriel de la fin du XIXème siècle, nous envoie assez régulièrement des messages d’alerte que nous ignorons avec un certain dédain. Trou dans la couche d’ozone, catastrophes naturelles, incendies gigantesques, tsunamis, cyclones dévastateurs, etc.
Et de temps en temps, nous est délivré un message plus personnel et épidémique du genre HIV, Ebola, variole, pestes de toutes les couleurs et dernièrement les grippes aviaire ou porcine. On se met un chouia en état d’alerte, on achète quelques kilos de sucre au cas où, on change éventuellement de destination de vacance, on se pense invincibles et immortels et on revient fissa à nos vies bien réglées par le boulot et les factures. Et la planète, elle, continue de crever sous nos coups de boutoir industriels et consuméristes. On fait du feu chez nous sans ouvrir la cheminée, on s’enfume à s’étouffer et quand on n’en peut vraiment plus, on aère un peu histoire de retrouver un minimum de visibilité et d’air pas trop vicié.
Mais cette fois, attention, panique à bord, le virus est bien plus virulent, il fait de la résistance et profite à fond de notre insouciance et arrogance. Résultat, des milliers de morts un peu partout, des dizaines de milliers de sursitaires angoissés et des gouvernants qui soudain font moins les malins, contraints de prendre des mesure drastiques jamais mise en place à l’échelle mondiale : on arrête presque tout, on se calfeutre à domicile et on ressort ses chapelets à prière sur le principe que si ça ne fait pas forcément du bien, ça ne peut pas faire de mal, sauf si le chapelet sort d’un atelier de Wuhan.
Bref, si la plupart d’entre-nous se demande de quoi demain sera fait, la terre, elle, respire de nouveau. A un point que c’en est stupéfiant. Le confinement a quasi cloué au sol le trafic aérien, les routes et autoroutes sont presque désertes, les mégapoles asiatiques recommencent à voir du ciel bleu, les eaux de Venise n’ont pas été aussi transparentes depuis un demi-siècle, on a cru voir deux poissons faire la fête sous le pont de l’Alma et les Parisiens entendent de nouveau les oiseaux. La pollution sonore due à l’activité humaine continue ayant été sensiblement réduite dans les villes et banlieues, tout le monde dort un peu mieux. Ou du moins devrait. Il est certain que si la crise sanitaire s’étend dans la durée, nous allons vers des lendemains difficiles pour beaucoup. Raison de plus pour, dans l’immédiat, savourer ce répit dans notre trépidante vie de fou ! Jouissons de cette pause bienvenue, les problèmes ce sera pour après.

Une qui doit bien rigoler en ce moment, c’est Greta Thunberg. Et tous les écolos et spécialistes du climat qui crient dans le désert depuis des années. Ils n’ont même plus besoin de s’exprimer, les images parlent pour eux. Ils en ont rêvé, le SRAS-CoV-2 l’a fait pour eux. Évidement, la maladie va finir par se normaliser et les choses revenir progressivement à l’état antérieur. Et le monde ne coupera pas d’un bilan sans concession. C’est là qu’on verra si nos « élites » politiques et économiques tiendront compte de ce qui se passe actuellement. Profitera-t-on de cette pause pour transformer en profondeur nos habitudes, nos paradigmes économiques et sanitaires ou repartirons-nous aveuglément à l’assaut de la sacro-sainte croissance débridée qui nous a conduit à la présente crise ? Profiterons-nous de cette chance qui nous est offerte pour lancer en grand la transition énergétique et climatique ? Impossible de donner une réponse concrète aujourd’hui, ça va dépendre de beaucoup de facteurs, en particulier de la durée de l’épidémie et des dégâts humains et économiques qu’elle laissera dans son sillage. J’espère a minima que les leçons sanitaires en seront tirées et que tout sera fait pour que nos médecins et soignants ne doivent plus jamais devoir choisir qui laisser vivre et mourir en fonction de l’abondance ou de la carence de moyens thérapeutiques. Si on peut accepter le degré actuel d’impréparation et les valses hésitations de ces dernières semaines parce la situation est sans précédent récent, je doute que les gens tolèrent une prochaine crise sanitaire de même ampleur sans que les pouvoirs publics y soient parfaitement préparés.
Et pour terminer, quelques traits d’humour piqués ci et là sur le web. Et ce sera tout pour aujourd’hui. A demain.